Portraits

"De ces feux de joie qui brûlent encore"

Le soleil se couchait, nous venions d'emprunter une piste dediée à un grand nom du cyclisme d´autrefois, où la qualité de l'aspahalte est irréprochable et où la quiétude que l'on y trouve n'a rien à envier aux monastères Cisterciens. Au bout de celle-ci, nous pénétrions dans Sauveterre de Guyenne. Après quelques essais infructueux, nous finimes par emprunter une route quittant le village avec la volonté de solder nos muscles endoloris par la traditionnelle mais néanmoins agaçante, côte de fin de journée.

La lumière avait définitivement battut en retraite et nous cherchions, pupilles retractées et fouettés d'adrénaline, un endroit propice pour ériger le campement. Défi quotidien de l'itinérance ou doivent se conjuguer, autant que faire se peut, discrétion, confort, espace, bouclier météo et pour le mieux, accès a l'eau. Seulement ce soir là ne nous offrait que des rangs de vignes, tirés au cordeau, à perte de vue. L'obscurité s'était installée et avec elle notre impatience de trouver refuge.

C'est alors que soudain, au détours d'un virage, un terrain propice à notre campement éphémère, jaillit de l'obscurité. A côté de celui là, la fée électricité était à l'oeuvre dans la maison de ce que nous supposions être, le domicile du propriétaire. Pas de grillage, pas de clôture, pas de portail, mais l'invitation toute en cailloux d'un chemin s'y dirigeant. Prenant mon courage à deux mains, je m'engageais sur cette voie avec la tension de celui qui s'apprête à voir surgir à tout moment, le gardien à quatre pattes de la propriété.

Point de gardien aux canines affûtées mais un ami aux longues oreilles dont le hénissement puissant et binaire, s'accompagne souvent pour celui qui l'entend, d'un sourire, imaginant le célèbre Sancho Panza sur son fier destrier. Une vision bien vite altérée par la rencontre d'Eve, prodiguant brossage à l'animal, alors que celui-ci dinait. Il est de ces moments ou l'on se demande si notre humaine condition est à ce point enviable...

Vêtu de mon gilet jaune désormais à double emploi, je me présenta à la soignante. Ma demande était simple, déconnectée et antique. Je cherchais un coin de terre pour ériger notre tiny house en toile Chinoise. D'abord craintive puis rayonnante, Eve nous proposa de planter sardines devant la maison, puis de préférer le canapé à la tente quelques minutes plus tard. En aussi peu de temps qu'il en faut pour le dire, nous nous retrouvions attablés, nourris, lavés, alcoolisés, le tout après avoir fait connaissance du petit habitant caché derriere son nombril, qui s'était octroyé quelques jours de natations supplémentaires. Elle etait seule, enceinte, son fils de 5 ans jouant dans le salon, et en pleine nuit, elle nous a ouvert la porte.

Avant de s'enraciner, Eve aussi a "brûlé le dur". Des Steppes Mongoles aux plateaux Sud Américains, pendant 4 années, à dos de cheval, elle dormi sous les étoiles, marchant dans les traces de Tesson, London, Kerouac, Thoreau, Bouvier, De Richemont, Gras, en rejoignant ceux que les Berbères appellent, "les hommes de lumières".

"... Dans les montagnes de l'Atlas. Les hommes, là-bas, du temps où ils se repliaient dans les hauteurs, forcés par les Arabes, avaient forgé  une somptueuse expression pour distinguer les nomades des sédentaires. Les premiers étaient appelés "hommes de la lumière". Peau cuite par le soleil, cuir durci par le vent, ils dormaient sous le ciel. Les seconds étaient les "hommes de l'ombre" car ils demeuraient à l'abri de leur toit et leurs mauvais rêves ne s'échappaient jamais de la maison." "Sur les chemins noirs", Sylvain Tesson.

Nous avions du mal à partir le lendemain matin. La veille, nous avions lié connaissance avec la retenue de ces situations où l'on apprend à  se connaître, tout en réalisant, à chaque phrase, que nous arpentions les mêmes sentiers. Eve et sa famille nous ont ouvert la porte en "allumant un feu de joie qui dans nos âmes brûlent encore." Nous nous souvenons et nous rendons hommages.

Ainsi qu'à Sébastien et Laurie, Agnès, Anaïs, Thomas et Adeline, Guy et Michèle, Lois et Fanny, Vittorio, Marco et sa famille, Andreï, Natacha et Denis. Vous êtes les artisans de l'humanité, faisant de l'Europe non plus un concept mais une réalité, non plus une institution écrasante, inefficace et gangrenée par un système économique mortifère  dont elle se fait l'agent mais le reflet d'une amitié populaire et sincère. Merci.



"L'inconnu de la Boulangerie"

Nous venons de faire escale pendant deux jours aux Sables d'Olonne chez mon frère Vincent. Une étape nécessaire et vraiment agréable. Nous avons nettoyé les vélos et réparé  les bonhommes. Le ventre tendu comme à la fin des albums d'Astérix, caressés par un soleil opportun, nous sommes allés nous perdre sur l'île Penotte, admirer l'imagination et la témérité des artistes de rue.

La cloche du départ retenti, après avoir fait le plein de provisions nous enfourchons nos montures. Amélie fend l'asphalte sur sa Biscotte du Tonnerre et alors que je m'apprête à  talonner King Doudou, je suis stoppé par un senior. J'essuie une rafale de questions à laquelle je fais face pour répondre avec enthousiasme à ses yeux gourmands. Quelques secondes plus tard, des larmes naissent sur le visage de l'ancien prof de fac.. et il choisit de prendre la poudre en disant : "Vous ne savez pas l'effet que ça me fait de vous voir partir comme ça ..."

Voilà pourquoi nous voyageons. Pour les jeunes qui rêvent et projettent, pour les vieux qui pensent qu'ils ne peuvent plus, pour ceux que nous avons été et ceux que nous serons. Nous ne les décevrons pas. Nous devrons aller jusqu'au bout afin de témoigner, de raconter, de mettre en lumière ce qui nous rassemble autours de notre commune humanité. Afin de perpétuer la réputation de cette amante sans égale, l'aventure.

"To see a World in a Grain of Sand
And a Heaven in a Wild Flower
Hold Infinity in the Palm of your hand
And Eternity in an hour ."

"Voir le monde en un grain de sable
Un ciel en une fleur des champs
Retenir l'infini dans la paume des mains
Et l'éternité dans une heure."

William Blake.

Commentaires

  1. Très jolie plume,on en veut encore !

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  2. vous avez un talent certain pour l'ecriture :) ce sont des hommages et récits magnifique !

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  3. très agréable à lire, je ne connaissais pas tes talents d'écrivain ! superbe
    bises à vous 2
    pauline (du 46 ! )

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    1. Merci Pauline! C'est Olivier l'auteur de ces magnifiques portraits. Ravie que ça te plaise! Amélie

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  4. Je reconnais bien là ta plume mon ami. Magnifique. Bisous les copains

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